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Comment changer les pratiques dans le secteur de la restauration ?

Pour ce nouvel épisode, j’ai eu le plaisir de me rendre à Longjumeau pour rencontrer Jean Terlon, Artisan-Cuisinier Chef du restaurant Le Saint Pierre.

Dans cette interview d’une heure, Jean nous livre ses meilleurs conseils pour éviter le gaspillage et assurer la viabilité de son restaurant – et avec un peu d’imagination, de son entreprise, de l’état d’esprit à adopter aux pratiques à appliquer.

 

 

Quelques chiffres sur la gestion des ressources et le gaspillage dans la restauration (source UMIH) :

  • Plus de 70% de l’eau consommée dans le monde est destinée à l’agriculture
  • Les restaurants jettent 275g de biodéchets par repas alors même que la moitié serait parfaitement consommable.
  • 1/3 de la production mondiale de denrée alimentaire est gaspillée chaque année

 

 

Jean Terlon est artisan cuisinier restaurateur, propriétaire du restaurant le Saint Pierre à Longjumeau et vice-président de la branche restauration à l’UMIH (Union des Métiers des industries de l’Hôtellerie).

Il a été à l’initiative du livre « Les chefs s’engagent, leurs recettes anti-gaspi » des carnets de l’info avec l’UMIH et le soutien de Thierry Marx. Cet ouvrage destiné aux particuliers fait suite à des premières publications comme les « Guides des bonnes pratiques » destiné aux restaurateurs pour luter contre le gaspillage et améliorer la performance des restaurants ou hôtels.

Jean Terlon connait les aliments qu’il travaille, est passionné par son métier et souhaite valoriser ce savoir-faire. Empreint d’une forte éthique personnelle le gâchis est pour lui impensable tant d’un point de vue de l’environnement que de la viabilité du restaurant ou du savoir-faire. « On est pas radins, on est simplement économes. Le produit vous l’avez acheté au prix du kilos donc ce que vous allez jeter […] ce sont des euros à la poubelle ».

Jeter est selon lui l’acte le plus facile, mais avec de la technique, du savoir faire et de la créativité il est très facile de ne pas le faire et mieux, d’utiliser l’intégralité des ressources pour les transformer en plats riches en goûts et nutriments. Le « fait-maison » est donc une nécessité.

 

 

 

« La cuisine c’est l’art et la manière d’accommoder les restes. »

 

Jean Terlon a été initié à la cuisine dès son plus jeune âge, grâce sa mère et sa grand-mère. Ce n’est pas un détail car cela lui permet de se rappeler le contexte de crise duquel sa grand-mère a tenu ses pratiques économes et sa cuisine « sans gaspillage ».

Dans ces situations difficiles dites de « crises » les restes étaient impensables. « Pourquoi jeter un aliment sain alors que tu peux le manger, il suffit seulement de savoir le cuisiner. » disait sa grand mère. La génération de cuisiniers qui en est née s’inscrivait donc dans une cuisine du bon sens orienté sur la transformation du produit pour lui redonner sa juste valeur. Mais la nouvelle génération qui n’a pas ou peu connu ces situations de rationnement ou de restriction mettrait plus d’énergie à travailler la parure et ce qui sort de la cuisine en suivant des recettes à la lettre au dépend de « déchets propres » (ndlr mais considérés comme « impropres » par les livres, les industriels ou même les clients) qui se retrouvent dans nos poubelles plutôt que dans nos assiettes.

Les pratiques culinaires ont évolué, de la même manière que la révolution industrielle a amené de nouveaux réflexes, le sur-consumérisme, la course aux prix bas et la mondialisation ont transformé notre rapport à la nourriture et celle des restaurateurs aux produits. Les livres de cuisine en sont une corollaire : « Un livre de cuisine est un livre de recettes et non un livre de cuisine qui expliquerait les contraintes, le métier ou ce qu’il y autour. »

 

« Le gâchis dans la cuisine ça se passe de la fourche à l’assiette. »

 

Au delà de la simple étape de transformation des produits, Jean Terlon évoque les autres bonnes pratiques qu’il met en place dans son restaurant, pour réduire les coûts mais également le gâchis. « C’est une démarche très globale de la fourche à la fourchette. » nous dit-il dans l’interview. Il nous rappelle ainsi que la fin du repas est également importante. Pour assurer la performance de son restaurant et un service de qualité, un restaurateur ne doit pas se contenter de remplir les assiettes. Pour une entreprises d’un autre secteur, cela reviendrait à considérer la chaîne dans sa globalité plutôt que la seule vente ou le seul produit.

  • Le premier point est celui de la réduction des quantités et l’évolution du volume des assiettes pour s’adapter à l’appétit et aux modes de consommation. Il a par exemple réduit la quantité de haricots dans son cassoulet pour proposer un cassoulet de petite taille et ainsi réduire le gâchis dans l’assiette. Ce « petit cassoulet » représente aujourd’hui 80% des ventes.
  • Il regarde également ce qui sort de table en n’hésitant pas à identifier ce que les clients auraient pu laisser de côté, quels sont les produits gâchés et les raisons. Cela lui permet d’ajuster le tir pour les prochaines fois et de fidéliser sa clientèle. En d’autres termes, il se rapproche de l’utilisateur pour améliorer l’expérience mais également éviter le gâchis.

 

 

Pour illustrer son propos, il évoque les restaurants au kilo brésiliens. 
Pour lutter contre le gaspillage et privilégier la qualité, des restaurants au kilo se sont lancés au Brésil. Le principe ? Plus votre assiette est remplie, plus vous payer cher, vous ne pouvez donc pas avoir les yeux plus gros que le ventre et reconsidérez la qualité. On mange ainsi ce qu’on a envie.

 

Pour pérenniser sa démarche et agir à plus grande échelle en considérant les acteurs qui continueraient à gâcher, l’un de ses rêves serait de monter un restaurant où l’on cuisine à partir de tout ce qui est jeté inutilement. Ça ne couterait rien à l’achat et permettrait aux gens qui n’ont pas à manger, de se nourrir.

 

« Un peu moins d’iPhone et un peu plus de bonne nourriture dans l’assiette. » Dit Périco Légasse

 

Malgré ce savoir-faire, les artisans restaurateurs et restaurants indépendants semblent victimes de l’impact de la publicité et des lobbys industriels sur la confiance que les consommateurs leur accordent. Effectivement, un consommateur aura paradoxalement beaucoup plus de facilité à entrer dans une chaine de restaurants ou à acheter un aliment déjà cuisiné car il « l’a vu à la télé », avec une confiance aveugle, qu’à entrer dans un restaurant dont il ne connait ni la carte, ni le nom.
Jean en a subit les frais quand il s’est lancé dans ce projet en entendant à plusieurs reprises « Vous êtes un restaurant à risques. ».

Un comportement triste et tout à fait contradictoire face aux discours des politiques et citoyens concernant la recherche de la qualité dans nos assiettes.

 

 

En conclusion, cette interview passionnante et gourmande nous fait voyager dans la cuisine d’un chef français pour nous prouver que la production de déchets ultimes n’est pas inévitable et qu’avec une valorisation des savoir-faire et une vision positive et créative de nos métiers, on peut arriver à mieux se nourrir tout en respectant nos écosystèmes.
Et c’est pas tout, car on apprend aussi beaucoup de choses sur l’épidémie de la vache folle, la cuisine du foie gras ou encore la place des (menus) enfants dans les restaurants.

 

Merci Jean pour ce bel exemple d’entreprise raisonnée, qui nous redonne confiance en des modèles plus sains et plus éthiques et qui valorise l’artisanat français.

 

Quelques bons exemples pour une cuisine économe et gourmande :

  •  Privilégiez le « fait-maison », testez, expérimentez de nouvelles choses.
  • Transformez vos restes de pommes (pépins, trognons, queue) en compote délicieuse.
  • Une fois que l’eau de vos pâtes est bouillante, plongez y vos pates, éteignez le gaz, posez un torchon par dessus et attendez pour les manger, sans avoir à les surveiller.
  • Vous cuisinez trop de purée ? Congelez là sous formes de cubes et mettez là au micro ondes quand vous en voulez.

 

Quelques bons conseils pour choisir votre restaurant :

  • Privilégiez les restaurants qui ont 3/4 plats et entrées dans leur menu
  • Jetez un oeil au menu enfant. Au Saint Pierre pour le menu enfant, c’est de la purée de pommes de terre bio. Et les enfants en redemandent « la purée est meilleure qu’à la maison. ».

 

Et n’hésitez pas à faire un tour au restaurant Le Saint Pierre à Longjumeau (Essonne) pour manger un délicieux cassoulet et rencontrer le Chef.

A vos tabliers ! Pour mettre moins d’argent dans votre poubelle et plus dans votre assiette et votre avenir.

 

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Bonne écoute, Justine

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